PPL VALLETOUX adoptée en 1ère lecture :
Les dispositions qui concernent les IDEL
Déposée le 28 avril 2023 par Fréderic Valletoux, député du groupe Horizons, la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a été adoptée en 1ère lecture par l’Assemblée nationale le 15 juin. Le SAIIL vous propose un balayage des principales mesures ayant un impact potentiel direct sur l’exercice libéral infirmier.
Cette proposition de loi, selon son auteur, apporte « des solutions urgentes et nécessaires pour faire face à la crise du système de santé, qui constitue la première préoccupation des Français ».
Selon ses détracteurs, elle ne ferait qu’ajouter deux étages administratifs supplémentaires à la déclinaison dans les territoires des politiques de santé qui compte douze échelons territoriaux entre les cabinets des professionnels de santé et la région. Ce millefeuille illisible, tant pour les professionnels que pour les usagers, s’appuie sur la délimitation par les ARS de « territoires de démocratie sanitaire » pour mettre en cohérence ses projets.
Dans une tribune collective publiée le 26 mai par Le Monde, le collectif- Médecins pour demain- voyait dans cette PPL un coup de grâce donné à l’exercice libéral : « On aurait pu croire, en lisant la présentation du projet de loi, à une miraculeuse prise de conscience du politique sur le fonctionnement de notre système de santé complexe, suradministré et historiquement trop centralisé (…) c’est même tout le contraire : nous n’aurons pas un, mais deux étages administratifs supplémentaires (…) le conseil territorial de santé, au sein duquel les soignants seront minoritaires, si utile que personne n’en a entendu parler depuis sa création en 2016 par l’ARS ! Puis, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : associations financées sur objectifs par l’Assurance-maladie, exclusivement consacrées à la coordination : pas un centime pour le soin ! ».
Les principaux articles qui doivent retenir l’attention les IDEL
Article 1 : Il fait du Territoire de santé, déjà défini dans le code de la santé publique, l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé. Le Conseil territorial de santé (CTS) en est l’organe de gouvernance, il devra élaborer le projet territorial de santé, en assurer le suivi et l’évaluation, en lien avec l’agence régionale de santé. Il définit notamment les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins, d’équilibre territorial de l’offre de soins, de prévention et d’amélioration de l’espérance de vie sans incapacité.
Le « coup de grâce donné à l’exercice libéral » évoqué plus haut tient surtout aux prérogatives que cet article confère aux directeurs d’ARS, dès lors que ces derniers considèreraient comme insuffisante l’organisation des professionnels de santé libéraux pour répondre aux objectifs du projet territorial de santé.
En effet, le directeur de l’ARS aurait alors autorité pour demander l’organisation d’une offre de premier recours de substitution aux établissements de santé publics, privés, médico-sociaux, centres de santé et maisons de santé pluriprofessionnelles, ou tout autre acteur du territoire pour proposer une offre de soins de premier recours le cas échéant, en salariant des médecins.
Il faut également souligner qu’un projet territorial de santé ne sera plus nécessairement élaboré à l’initiative d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), et que les représentants des professionnels de santé libéraux ne feront plus partie de la composition du Conseil Territorial de Santé.
Article 2 bis : Instaure une durée minimale entre deux demandes d’aide financière et exonération fiscale pour les professionnels de santé. Les professionnels de santé ayant bénéficié de certaines aides à l’installation et de certaines exonérations ne peuvent y être à nouveau éligibles qu’à l’expiration d’un délai de dix ans.
Article 3 : Rattachement par défaut des professionnels de santé à une CPTS : tous les professionnels de santé relevant d’une convention signée avec l’Assurance Maladie deviennent membres de la CPTS du territoire concerné. Pour faire bonne mesure, le texte précise que les professionnels de santé pourront s’y opposer dans des conditions définies par arrêté. Reste que cette imprécision ne permet pas à ce stade d’évaluer l’éventuel effet sur le conventionnement du professionnel qui se retirerait.
Article 3 bis B : Extension du délai précédant la dissolution d’une Société Interprofessionnelle de soins Ambulatoires (SISA, sociétés juridiques porteuses d’une maison de santé pluriprofessionnelle). Pour éviter leur fermeture hâtive en cas de départ d’un médecin, le délai d’exercice autorisé avec la présence d’un seul médecin au sein de la MSP est étendu à 3 ans au lieu de 6 mois.
Article 3 bis C : Limitation de la responsabilité des associés d’une SISA. Un des principaux freins à l’entrée dans une SISA était liée à la mutualisation de la dette entre les associés. Cet article limite la responsabilité de chaque associé de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires à l’égard des tiers. Elle ne sera plus engagée que dans la limite du montant de leur apport dans le capital de la société.
Article 3 bis D : Création de la fonction d’infirmier référent : chaque citoyen pourra déclarer auprès de l’Assurance Maladie un infirmier référent chargé de la prévention, du suivi et de la coordination avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant. Un décret fixe les conditions d’application de cet article (lire l’article de Caroline Dewas, présidente du SAIIL).
Article 4 bis : Rétablissement de l’obligation de la permanence des soins pour les professionnels de santé. Un amendement transpartisan rétablit l’obligation de permanence des soins pour l'ensemble des soignants. Pour les auteurs de cet amendement, « depuis la suppression de cette obligation, il est observé une dégradation de l’accès aux soins. Le principe du volontariat n’est en effet pas suffisant pour répondre à la demande de soins exprimée par la population sur le territoire ».
L’exposé des motifs précise que cet amendement permet d’élargir à de nouveaux professionnels la permanence des soins ambulatoires : les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État. Ceci permettra de répondre à des demandes régulées par les SAMU-centres 15 et les services d’accès aux soins qui n’ont pas vocation à être prises en charge par un médecin, dans le strict respect des compétences de chacun. Par exemple, comme cela fut autorisé dans le cadre des mesures dérogatoires de l’été 2022 liées à la mission flash sur les urgences et les soins non programmés, un infirmier pourra évaluer en premier lieu le patient et la nécessité d’intervention d’un SMUR ou d’un autre mode de transport.
Cela implique de déterminer par voie réglementaire la rémunération d’astreintes pour ces professions de santé participant aux gardes de permanence des soins ambulatoires, indépendamment de la rémunération des actes accomplis dans le cadre de leur mission, ainsi que de leur éventuelle participation à la régulation téléphonique préalable.
Reste à connaitre le sort que le Sénat réservera au texte adopté en 1ère lecture par l’Assemblée Nationale. Pour l’heure, pas d’inscription à l’ordre du jour au Palais du Luxembourg. L’examen de la PPL Valletoux sera probablement reporté en octobre, après les prochaines élections prévues le 24 septembre prochain pour renouveler le Sénat par moitié. Le principal intéressé, Frédéric Valletoux, a par ailleurs confirmé à la presse médicale l’intention du gouvernement de faire voter le texte avant la fin de l’année, après un passage au Sénat et une commission mixte paritaire.
Article rédigé par Aurélien Larisot